A ce sujet, je ne peux m’empêcher de rapporter une anecdote. C’est une de mes amis, musulman, dont l’épouse très occidentalisée ne porte pas le voile, qui me présentait un jour à sa belle-mère, elle voilée jusqu’aux amygdales. Devinant mes pensées, avec un large sourire complice, il me dit à l’écart : - ... On croit chez nous que c’est par pudeur, mais entre nous si elle se montre à visage découvert tu penseras certainement qu’elle ne craint rien, ni pour sa vertu ni pour calmer la tentation d’autrui ! - Gagné, c’est ce que j’ai souvent dit à ce sujet, pensant que beaucoup de musulmanes voilées seraient encore plus protègées en ne se cachant pas... - Tu as raison, me dit-il, mais si on n’obligeait que les jolies filles à se cacher, il y aurait mille conflits pour déterminer les critères. Alors autant niveler la mesure ! - Oui, je comprends mais ne serait-il pas plus simple de proscrire cette tradition qui n’est d’ailleurs pas imposée strictement par le Coran ? - Tu as raison encore une fois, me rétorqua-t-il, mais c’est le poids d’un tradition bien ancrée “arrangeant” au passage le machisme de ceux qui écrivirent la “religion”. C’est comme pour l’excision féminine que nous ne pratiquons pas chez nous mais si répandue chez nos voisins Africains, - Ah oui, là je connais à fond ce drame et tu sais sans doute que j’ai apporté en son temps ma contribution à l’action de Mlle Otondji à la conférence de Khartoum. Là-dessus notre conversation prit un tour nouveau d’actualité car j’avais fait un nouvel apport aux défenseurs de cette cause en vue de la conférence de Genève fin décembre 2005. Le lieu tombait bien car ce ne sont plus seulement les pays tels que la Somalie, l’Erythrée ou l’Ethiopie qui sont concernés mais leurs émigrés en Europe. Ainsi en Suisse, il est estimé que 7.000 femmes sont victimes de mutilations génitales dont au moins 700 dans la seule ville de Genève. Cela fait beaucoup pour une pratique jamais imposée par la religion (ce qui ne serait d’ailleurs pas une excuse suffisante) mais due à l’absurdité expliquée plus haut d’une coutume idiote et machiste. Evidemment, une femme excisée voire infibulée ne risquera pas d’être tentée par ses pulsions sexuelles (disparues) mais à ce jeu-là pourquoi ne pas lui couper le cou ce qui lui éviterait les maux de tête, ou tout simplement les oreilles pour ne pas entendre des propos tentants ou offensants pour la morale ?

Tous ces rites faussement imputés aux religions sont pratiqués également et différemment par les sectes, chacune ayant son programme ce qui rend difficile le distingo. A ce sujet, il faut reconnaître que les religions se sont appliquées à créer des rituels, symboliques selon elles et assurément compliqués. Plusieurs psy. me confirment que cela peut être une manifestation de pouvoir strictement humain. Pour être dans la ligne il faut savoir se comporter, il y a identification. Ainsi, le fidèle se sent d’abord perdu, repéré et à la dérive. Il entre dans le système et s’applique à entrer dans la pratique rituelle pour se fondre dans la masse des croyants. Cette manière de faire étouffe en lui toute velléité de résistance et il s’inscrit dans le processus. Je ferai grâce au lecteur de tous les formalismes ridicules qui caractérisent religions et sectes, il faudrait plusieurs livres. Au sein des Eglises, d’honorables croyants l’ont évoqué de leur côté mais ne sont guère entendus entre eux et ne furent pas suivis même si l’Histoire a enregistré de sérieux schismes venus de là. De toute façon, par humanisme pur, je ne manque pas de suivre avec plaisir toutes les mises à jour qui rapprochent les croyants dans une foi simplifiée et fraternelle. L’habit semi-laïc des prêtres, l’introduction du Gospel dans les églises, sont autant de gestes visant à une pureté relationnelle. Je crois qu’il ne faut pas chercher ailleurs le succès des églises évangélistes.

Dans une vue globale, on pourrait dire que les sectes se distinguent par une double action : endoctrinement spirituel par une pression incisive et captation de fonds des membres. Je le crois volontiers surtout pour ce dernier point quand je pense aux affaires semi-financières que j’ai eu indirectement à étudier telles que celle du Temple Solaire ou de l’ordre Rosicrucien ou encore - avec un peu d’humour - celle des “petites abeilles butineuses” (de jeunes filles descendantes de membres) que leur Autorité envoyaient allègrement à la prostitution ! On ne parle plus trop d’elles aujourd’hui, ce n’est pourtant pas vieux. Davantage ancien et nettement dépassé, le procédé financier de l’Eglise n’avait pas été exempt de tout reproche si l’on veut se souvenir des schismes créés lors de la “vente des indulgences” par l’Eglise catholique. Cela a débouché sur une perte de fidèles et la création d’une Eglise Réformée. Mais l’une et l’autre, pas plus que les sectes aujourd’hui ne nous ont éclairés mieux sur le “Vivant”. Ce “vivant” ne m’est pas mieux apparu dans des temples d’Asie où s’il y a bien application d’un sens religieux non sectaire, il n’en reste pas moins des pratiques surprenantes proches de candeurs sectaires. Je pense aux têtes de porcs déposées en offrande pour la divinité et reprises quelques jours après, la Divinité n’ayant pas consommé matériellement et n’ayant pas jugé bon d’estomper les odeurs qui se développaient. Je n’ai pas trouvé du tout le moindre signe mystique dans ces parfums nauséabonds qui chatouillaient mes narines ! N’ayant pas la Foi, je ne risquais pas de la perdre mais, assurément, cela n’était pas de nature à me faire convertir... Pour rester en Asie, je rappellerai ce que j’ai écrit sur Sun Myung Moon. Pratiquement tout le monde refuse d’y croire - moi le premier - mais il a quand même constitué un groupe important de personnes bien persuadées qu’il dit vrai. La secte Moon a acheté par exemple plus de 600.000 ha en Corée sous prétexte d’en faire une application écologique; voilà de quoi faire pleurer nos âmes sensibles... Toujours en Asie, marquée au Japon, mais débordante d’influence dans le monde politique et les groupes de Presse, la Soka Gakka rachète en France des Maisons d’artistes pour se donner une coloration culturelle. Ce n’est plus de l’expressionnisme mais du “déviationnisme” ! Et il y a beaucoup d’autres exemples.

Je n’ai jamais eu la chance de sentir ce que l’on appelle en Europe une “odeur de sainteté” que dégageraient des cadavres sanctifiés. Je le regrette car cela ne me paraît pas forcément invraisemblable, encore faudrait-il analyser mieux le phénomène et en admettant des constats ultérieurs possibles découlant de nouvelles théories. J’ai eu, dans le cadre des services de l’Action Psychologique pour lesquels a été créé un découpage spécial, le 5e bureau, et auxquels j’étais affecté, la mission de “décortiquer” bien des pratiques sectaires et je peux dire que l’on sent dans chaque secte une manifeste volonté de déboucher sur une reconnaissance plus officielle, bref devenir une religion, la vraie... évidemment. Celle-là, alors, deviendrait la secte qui a réussi...

Il faut bien considérer que l’excès de foi conduit à des résultats et positions inverses. Quand les tenants d’une religion, forts de leur conviction, estiment qu’il n’est pas de salut hors d’eux, ils entrent alors dans des actes destructeurs : assassinats collectifs sectaires, terrorismes intégristes souvent musulmans, fermier israélien massacrant une dizaine de personnes musulmanes dans une mosquée, groupe japonais, etc. Analysé froidement, leur acte veut être soutien à Dieu (le leur) en éliminant Ses ennemis présumés. Mais alors, ces mêmes agresseurs douteraient-ils de la capacité de leur Dieu à régler lui-même le problème. C’est orgueil coupable à vouloir se substituer à Lui. Il y a totale dérive dans le raisonnement. C’est franchement sacrilège! Et pourtant je n’entends pas soulever cet aspect du problème...