Ceux qui veulent parler à sa place disent beaucoup de choses rarement reprises. Ainsi certains interprètent la statue de la déesse égyptienne Bastet, à tête de chat, (à ne pas confondre avec Sekhmet à tête de lionne) et qui porte un panier, comme préfiguration du tableau de la “Vierge de l’Annonciation”.

Sa robe, ses cheveux, ses ornements, sa taille, même son âge et son langage changent à chaque apparition, parfois même enceinte portant Jésus. Tout cela peut aussi bien être un élément pour nier la réalité de ces visions ou, au contraire, y voir la toute puissance d’adaptation du Personnage. Je ne veux pas entrer dans les détails, mais une fois encore, on peut s’en remettre à Raymond Terrasse qui a étudié tout l’historique des apparitions de la Vierge. Je remarque aussi que le passionné Elyan Cohin de Condé s’est attaché à des apparitions mariales, sans les lier - ce n’est pas son objectif - aux posés d’OVNI. Grand spécialiste des phénomènes spatiaux et adjoint du Dr Hardy, il n’en relève pas moins l’importance de Cotignac, comme Terrasse, ce qui leur fait un point commun. Pour moi, ce chercheur a le bon goût de flirter avec la Chiralité, ce qui n’est pas pour me déplaire, et aussi avec Marie-Madeleine, ce qui me plaît également. Il entre en plus dans une gymnastique des chiffres et nombres, ce que j’aime mais j’avoue ne pas avoir pu pénétrer dans toute son argumentation. Je note à l’intention de ceux de mes lecteurs qui seraient plus heureux que moi qu’Elyan de Condé met en évidence un certain “31” lequel, à ma grande confusion, me laisse de marbre. Pour le moment peut-être ... Quoi qu’il en soit, sans anticiper sur mes conclusions et en restant à quelques unes de mes approches dans les débuts de ce livre, je relève que Cohin de Condé n’est pas insensible au sentiment que la nature fait sortir, partant des types inférieurs, des formes de plus en plus parfaites.

Face à ces phénomènes l’Eglise concernée reste très prudente mais en admet le principe, du moins certains. Comme toujours le Public se partage entre ceux qui nient et ceux qui y croient. Ceux-ci sont quand même assez nombreux pour qu’à La Salette, par exemple (en 1846, rapporte Terrasse) il y eut une apparition dont on parle beaucoup et qui a nécessité la construction d’un hôtel de 800 chambres. Pas mal. Pourquoi me suis-je arrêté sur ce miracle-là ? Tout bêtement parce que le hameau de La Salette est à côté de la petite ville de Corps dans les Alpes, liée au passage de l’Empereur de retour de l’île d’Elbe et que mon éditeur a résidé un certain temps là. Si je veux apporter une note d’humour pas très respectueuse, je dirai que durant son séjour, il... n’a rien vu. Pourtant, semble-t-il, personne ne semble s’intéresser à une 3e voie qui mériterait d’être explorée. Et si ces apparitions n’étaient pas vraies au sens physique, mais étaient comme “injectées” dans une perception commune ? Une sorte d’hologramme ? Il y aurait bien à dire sur cet aspect, mais il faudrait un livre complet pour s’y consacrer sérieusement. L’essentiel est de ne pas s’enfermer dans une voie à deux couloirs parallèles décorés différemment. Il faut avoir l’audace d’imaginer (ou d’en comprendre la possibilité) d’une tout autre expression. Alors, le combat ridicule entre deux théories aussi vagues l’une que l’autre n’aurait plus de sens et s’ouvrirait une ère novatrice partant d’autres supports réellement porteurs.

L’inconnue qu’est la représentation physique de l’Eternel même pour les croyants n’empêche pas le monde chrétien de dessiner Dieu. Il n’en va pas de même pour le monde Musulman. Cela s’accompagne, là, de la même interdiction pour ne pas représenter le “physique vivant”. Elle voudrait s’appuyer sur une forme de respect pour l’oeuvre d’Allah, seul créateur. Ce n’est d’ailleurs pas établi formellement, c’est une adaptation. Je suis d’ailleurs surpris de voir en Palestine les photos accrochées au mur de ces Kamikaze. Ce sont bien des visages humains... Alors ? Plusieurs poids, plusieurs mesures. A cette occasion je ne peux laisser silencieuse une remarque terrible qui me hante pour l’avoir vécue : la perte d’un enfant ou même d’un grand fils (par bombardement par exemple) entraîne des pleurs et hurlements de douleur, ô combien compréhensibles, propres à chaque comportement d’ethnies. Mais, curieusement, la perte d’un enfant kamikaze n’entraîne pas de pleurs mais fierté et acceptation d’aides matérielles reçues avec fierté. Tout est décidément très relatif et complique l’étude du Vivant. A titre personnel, pour revenir à la représentation d’êtres, sans souscrire à quelque précepte que ce soit, je préfère qu’on ne représente pas Dieu plutôt que d’imposer une vision des choses que rien n’étaye. En revanche je n’ai pas d’objections sur la représentation d’humains ou d’animaux aisément vérifiables.

Au-delà de la figuration elle-même, il y a un aspect de sacralisation pour les représentations de personnages considérées comme sacrés par telle ou telle catégorie de croyants. D’un naturel doux et aimant mon prochain, je m’abstiendrais volontiers d’ironiser sur ce sujet. Or, un journal danois (relayé par d’autres journaux européens) n’a pas hésité à publier des caricatures de Mahomet. Si nous analysons bien le contexte bousculé qui a suivi, on va au-delà des réactions naïves d’un côté et forcenées de l’autre. Elles étaient prévisibles dans la conjoncture, inéluctables. Si l’on veut analyser mieux, on peut se demander comment on peut croire impunément brocarder un personnage qui est sacré pour d’autres, ce n’est ni élégant ni positif. Dans l’autre sens, on peut se dire que si l’on croit au réputé “sacré” d’un personnage, il n’y a pas à être surpris que des forcenés - toujours prêts à s’enflammer - en viennent par la violence à dépasser l’esprit de respect attendu. Ceux-là oublient que la meilleure réponse - classique - aurait été d’opposer l’indifférence ou la force d’une immense sagesse, plus forte autant que plus convaincante, à l’instar un peu des Israëlites qui, malgré le poids écrasant de leur rituel, s’accommodent assez bien de l’usage de la caricature dont ils ne se formalisent pas tellement. En tout cas, la légitimité du courroux de croyants ne peut dépasser le cadre de leurs institutions. On ne peut mettre en cause les libertés qui furent si difficiles à acquérir pour en venir à un monde d’expression libre. Les réactions violentes donneront toujours l’impression de porter atteinte à autrui et risquent de démontrer une conception arriérée des pratiques. Pour rester objectif, je ne puis m’empêcher de penser à des versions plus générales et plus actuelles. Nos responsables politiques ne sont pas “sacrés”, mais ceux-là ont été bien chahutés sans que leur autorité en souffrît ou que les intéressés eux-mêmes, touchés et meurtris, ne se cachâssent ensuite dans un anonymat protecteur. C’est bien le signe des temps. Même l’Eglise catholique a fini par ne pas réagir aux caricatures du Pape et j’y reviendrai.

Pour finir avec Marie, je voudrais évoquer ses “miracles” et “guérisons”. Ceux de Jésus sont maintenant lointains, ceux de Marie sont permanents. Ils me dérangent, non pas quant à la définition de leur authenticité ou pas, mais en leur application. Peut-on concevoir comme justes des guérisons “saupoudrées” à quelques uns ? Si c’est une forme d’échantillonnage pour démonstration, le procédé est horrible. Je ne suis pas ému par ceux qui ont été guéris - j’en suis heureux pour eux - je suis affligé pour ceux qui ne le sont pas et avaient vécu dans l’espoir. A ce sujet, dans son amour permanent d’autrui, Anne-Marie Garcia (aux remarques de laquelle je suis toujours attentif) invoque l’Amour indispensable. Bien sûr, rien ne peut se faire dans l’évolution du Vivant sans l’Amour, mais dans le cas des miracles, je crains que l’Amour seul ne puisse être avancé car ce serait douter des capacités d’Amour de ceux qui n’ont pas été exaucés, autant que se réfugier dans une arbitraire sélection. Il faut, là-dessus, que l’Autorité religieuse s’exprime clairement et tente de lier le Matériel et le Spirituel, pour le bien de tous. Enfin, comme je l’avais promis dans le chapitre “Sexe et Sexualité”, il me faut dépasser le stade vestimentaire de Marie pour revenir sur sa virginité, sujet tabou de l’Eglise Catholique. Ainsi que je l’ai souvent dit, la Religion aurait pu s’accommoder d’une Marie inséminée par Joseph dans une démarche simplement humaine - ce qui était d’ailleurs l’esprit de la venue du Fils - mais sublimée par l’imprégnation de Dieu. Cela n’a pas été le choix du Vatican. Je suis donc attentif à une version assez soutenue d’éventuelle conception qui aurait été faite par le plus important prêtre du Temple de Salomon (appelé Gabriel) sur Marie, une des filles consacrées au Temple. Il est évident que, dans ce cas, on pourrait considérer que l’insémination était une manifestation tout à fait divine puisque pratiquée par le représentant sur terre de l’Eternel. Vaste réflexion. Je passerai de la virginité de l’adolescente aux réactions de celle-ci devenue mère. Suivant la tradition, mère donc au pied de la Croix, elle a du comprendre plus que d’autres la douleur du grand départ. A moins que, prédestinée, elle n’ait eu la prescience que son fils n’était pas mort; sinon qu’au sens physique c’est à dire avec une suite abstraite, spirituelle. Quoi qu’il en soit, c’est un bon exemple que l’Eglise doit méditer pour nous en faire une relation appropriée. Ce n’est pas le cas. L’énoncé arbitraire d’une résurrection pour tous n’est qu’un palliatif très aléatoire, insuffisant dans son énoncé pour calmer la douleur. Si celle-ci n’est pas fondée, alors le programme est bien mal fait. Pouvons-nous le rectifier ? Peut-être et c’est tout le sens de ce travail. Pour qui douterait de la capacité à évoluer, rappelons simplement que jusqu’au concile d‘Ephèse, en 431, Marie était simplement vénérée au même titre que les autres saints. C’est ledit Concile qui l’a proclamée “Mère de Dieu”.